Les actes du colloque


Les présentations scientifiques sont le fruit de travaux de recherches appartenant à leur intervenant respectif leurs contenus n'engagent que leurs auteurs.
 
Clés d'écoute et QUESTIONS/Réponses

Vous trouverez ci-dessous des clés d'écoute, les supports de présentation (à suivre en simultané lors de votre écoute) ainsi que les retranscriptions des sessions de questions/réponses associées aux différentes interventions :

Introduction [Jean-Michel Lucas]
Témoignage politique [Anne-Marie Jean]
Témoignages professionnels [Boris Vidal & François Legée]
Introduction à Wicri - Bibliothèques numériques pour les musiciens amateurs [Jacques Ducloy]
#1 L'amateur entre fortune, patronage et bricolage [Georges Escoffier]
#2 Diriger des amateurs, une affaire de professionnels [Guillaume Lurton]
#3 "Aux amateurs de la noble science de Musique". Nouveaux acteurs et pratiques musicales au XVIe siècle [Jacques Barbier]
#4 Entre sous-professionnel et amoureux de la musique, l'ambiguïté du mot “amateur” témoin de notre difficulté à définir notre relation à la musique [Pierre d'Houtaud]
#5 La sociabilité des amatrices au salon : l'opéra genré du Magasin des demoiselles (1854-1880) [Sabine Teulon-Lardic]
#6 Ernest Laurent : un négociant en vin montbéliardais dans l'orchestre du festival de Bayreuth de 1876 [Denis Morrier]

Consultant en politique culturelle, humaniste et fervent défenseur des droits culturels, Jean-Michel Lucas est chroniqueur « droits culturels » pour Profession Spectacle. ll met à profit son expérience dans l'administration culturelle,  pour préconiser un renouveau des politiques culturelles fondé sur le référentiel des droits culturels des personnes. Ses articles sont recensés sous le pseudonyme Doc Kasimir Bisou. Dernier ouvrage : « Droits culturels : enjeux, débats,  expérimentations ». Territorial éditions

SUPPORT DE PRésentation - Politique de soutien aux pratiques en amateur

Anne-Marie Jean est conseillère municipale déléguée en charge des pratiques culturelles en amateur à la ville de Strasbourg et vice-présidente Emploi, formation, économie durable, transition écologique des entreprises, commerce, artisanat, tourisme durable de l'Eurométropole de Strasbourg. Après sa formation à HEC, elle a effectué un parcours de cadre, cadre supérieur et dirigeante en entreprises. Parallèlement, elle a développé des engagements associatifs basés sur sa pratique du chant choral : vice-présidente du Choeur de St Guillaume à Strasbourg, présidente du Centre d'art polyphonique d'Alsace (qui a donné naissance à deux associations : Mission Voix Alsace, devenue Cadence, dont elle a été présidente puis vice-présidente et la Maison du Kleebach qu'elle continue de présider), membre du conseil d'administration puis présidente de la Plateforme interrégionale d'échange et de coopération pour le développement culturel, membre du CESER Alsace en tant que représentante des associations culturelles… Elle est membre du conseil d'administration de la Haute Ecole des Arts du Rhin, de la Bibliothèque nationale universitaire de Strasbourg, de l'Orchestre philharmonique de Strasbourg et de la mission d'information sur l'Opéra du Rhin.

Questions/Réponses
  • Dans tout ce qu'il a été envisagé lors de cette délibération, est-ce qu'il y a un lien avec le Conservatoire à Rayonnement Régional dont la vocation de former des amateurs ?

Je ne sais pas encore exactement quelle forme cela va prendre. Le lien existe déjà un petit peu, le simple fait que ce soit un professeur de direction du conservatoire qui soit venu, montre un petit signe de cela. On a eu une première réunion de travail avec les acteurs du monde professionnel, les directeurs des grandes institutions et la direction du conservatoire étaient conviés également. Nous avons fait un tour de piste de repérages prudents de leur part sur leur collaboration avec les amateurs.


Boris Vidal est directeur du conservatoire de Châlons-en-Champagne
François Legée est directeur artistique et chef de choeur du Gradus ad Musicam


Nous présenterons le réseau Wicri, réseau de wikis pour gérer des bibliothèques numériques alimentées par des scientifiques à l'intention de la société. L'un d'entre eux est dédié à la musique, en ciblant notamment les choristes curieux. Un autre rassemble des médiévistes, des philologues et des musiciens autour de la chanson de Roland.

Support de présentation - Introduction à Wicri

Jacques Ducloy est retraité du CNRS,"Ingénieur émérite, Laboris causa, à l'Université de Lorraine" après avoir travaillé depuis 1968 dans l'informatique. Directeur de l'informatique à l'Institut de l'Information Scientifique et Technique (INIST) à sa création, il s'est passionné pour le phénomène Wikipédia, cette encyclopédie créée par des amateurs. Dans le cadre de ses responsabilités à la Délégation régionale à la recherche et à la technologie en Lorraine, il fonda le réseau WICRI hébergé par le programme ISTEX. Choriste amateur depuis 2006, il entreprit de développer une branche dédiée à la musique au sein du réseau WICRI.

Depuis son émergence au XVIIIe siècle, l'amateur peut s'inscrire dans trois positions (combinables) : le divertissement, manifestation du désintéressement, l'engagement, manifestation d'un patronage et le bricolage, manifestation d'une résistance ambigüe à la culture savante.

Support de présentation #1

Musicologue et sociologue français en retraite, Georges Escoffier a notamment enseigné l'histoire et l'analyse des politiques musicales ainsi que la sociologie et l'économie de la musique à l'Université Lumière Lyon 2 ainsi qu'à L'Université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand. Une partie de ses travaux s'est attachée à comprendre l'histoire sociale de la musique à travers le XVIIIe, le XIXe et le XXe siècles par l'étude des théâtres lyriques, de l'orphéon, des concerts et des pratiques vocales des amateurs.

Questions/Réponses
  • Quelle est la compétence reconnue, formellement ou non, des chefs de choeur à l'époque ? Quels diplômes et quels cursus ou parcours ?
En 1850, il y avait les chorales distinctes, celles qui s'adressent plutôt aux classes supérieures, qui font du répertoire, le chef est tout à fait qualifié (personnes qui sortent des conservatoires). Ce sont des chefs certainement de bon niveau, certainement compositeurs. Quant aux chorales populaires, c'est beaucoup plus compliqué, elles fonctionnent aussi sur la promotion du choriste vers une place de chef et à partir de là c'est pyramidal. Il y a des professionnels qui forment des chefs sous forme de stage, sous forme d'encadrement, sous forme de compagnonnage et ce ne sont pas des professionnels. Au bout d'un moment ils deviennent professionnels parce que souvent les chefs d'orphéon dirigent plusieurs orphéons qui sont financés par le patronage, c'est-à-dire par les industriels, les compagnies minières...
  • Quelle prise en compte du Plan Landowski / Fleuret, avec les délégués départementaux et régionaux, les Agences Régionales et les missions voix, les classes de direction de choeur dont Bernard Tétu a créé la première dans les années 80 ?
Le plan Landowski n'est pas un plan musical, c'est l'enrobage musical d'un plan d'aménagement du territoire. Il faut sortir de l'idée que le plan Landowski a créé la musique en France, il y a beaucoup de gens avant eux. Ce plan ne s'intéresse pas aux amateurs sauf pour ce que j'appelle l'amateurisme supplétif c'est-à-dire constitué autour d'un orchestre qui est un outil d'aménagement du territoire, comme l'université. Le plan a été pensé par rapport aux régions, dans chaque région il devait exister une université, un orchestre avec des classements complètement fous, rabaissés (catégorie C : 18 musiciens, catégorie B : 40 musiciens, catégorie A : 80 – 100 musiciens). Il fallait décentraliser pour attirer les cadres. Ce n'est pas du tout la logique des amateurs. Les amateurs c'est de la « mauvaise herbe », on ne sait pas bien, ce sont des gens qui se font plaisir et ça ce n'est pas le travail.
  • Pour vous, la question du vieillissement des chorales, cette question générationnelle et le fait que les jeunes ne chantent peut-être plus en choeur mais de manières individuelles, est-ce une évolution sociétale ?
D'une part c'est inéluctable car notre société vieillit et ceux qui sont plus âgés ont plus de temps ou les jeunes ont peu de temps. C'est très difficile aujourd'hui puisque la société est fondée sur la consommation aussi bien pour des produits que pour des services, il faut que les enfants fassent du judo, du catéchisme, du football, du tennis et éventuellement du chant choral, donc les parents courent tout le mercredi, tout le samedi pour « trimballer leurs gamins », il ne faut pas leur demander en plus de passer une soirée en chant choral ou un week-end : c'est très lourd pour eux. Le vieillissement vient de là, en gros, il faut réduire le temps de travail, il faut donner des périodes sabbatiques dans la vie des gens et là peut-être que la vie associative pourra repartir. Mais ça c'est un autre projet qui n'est pas : « travail, travail, travail ».
  • Quelle est la différence de pratique, pour vous, entre interpréter une "grande oeuvre" et chanter à l'unisson avec une bande son ? Y en a-t il une plus valable que l'autre ? N'est-ce pas le fait de pratiquer qui est le plus important ?
La question d'interprétation, je crois qu'une grande oeuvre, de n'importe quelle musique savante, est une oeuvre ouverte. C'est-à-dire que l'on peut changer le tempo, l'interprétation, la couleur, même l'orchestration. La grande différence c'est ça. Alors que la variété est calibrée, d'abord rythmiquement, quand vous avez une rythmique opiniâtre avec basse, batterie et clavier, le chef finalement je me demande à quoi il sert. Forcément ça ne bouge pas d'un bout à l'autre, ça ne bouge pas trop en justesse.
  • Dans votre typologie, comment positionneriez-vous les pratiques de masse portées par les mouvements d'éducation populaire ? Rassembler des milliers de choristes (avec une part prépondérante de sopranes) a ses origines dans les mouvements d'éducation populaire avant d'être porté par des manifestations plus axées sur l'événementiel et les musiques actuelles (Choralies, concours orphéoniques...)
J'ai une grande admiration pour Goldman en tant que compositeur mais à partir du moment où on est 300 pour chanter Goldman, à mon avis ça pose un problème. Alors quelle différence je fais entre chanter comme ça et chanter une oeuvre du répertoire, c'est que, la logique de l'éducation populaire c'est de faire découvrir un répertoire, un style, une langue éventuellement que les gens ne connaissaient pas, une logique de découverte, de formation. La logique dont on parle, ce n'est pas de faire découvrir mais de faire pratiquer ce que les gens ont déjà dans leur salle de bain. C'est-à-dire que c'est le repli sur l'individu tout puissant qui fait ses propres choix, c'est-à-dire en gros, « faire bien ce que j'aime, j'aime bien qu'on me propose ce que j'aime déjà et surtout qu'on ne me demande pas de sortir, de mon cocon habituel ».
  • Quand vous dites éducation populaire, est-ce que le sens c'est de l'ordre de l'émancipation ? S'il y a émancipation, qui émancipe qui ?
Je crois qu'il faut des missionnaires même si c'est dur de dire ça et si on pense à l'exemple de mes copains africains, ce sont des gens formés souvent par des coopérants, des prêtres qui sont venus ensuite faire en France une formation supérieure et qui retournent au pays pour former les africains restés au pays. Il faut des transfuges de classes, il faut des gens qui sortent du milieu de l'éducation populaire, vont se former et reviennent. Aujourd'hui, ce qui m'inquiète beaucoup c'est que le transfuge de classes devient professionnel et il le reste. C'est-à-dire qu'il n'y a plus ce va-et-vient. C'est évident que derrière il y a une idéologie, la CMF (confédération musicale de France) a au départ la même idée, c'est-à-dire de former des gens, il y a une idéologie là-derrière, une idéologie d'émancipation, de libération.
  • Est-ce que le sens des pratiques musicales est perdu ?
Nous sommes une société qui est un peu en bout de course au niveau politique, au sens de la cité, de l'envie. Je suis très sceptique sur l'idée des commissions, des gens qui se réunissent parce qu'on trouve toujours les mêmes et tant qu'on n'aura pas déverrouillé la question du temps, du temps libre, du temps de travail, on sera coincés et on sera sur une cité où c'est toujours les mêmes qui décident parce que les autres n'ont pas le temps, parce que les autres ne veulent pas ou ne s'y intéressent pas.
 
Dans son acception contemporaine, la notion d'amateur est définie par opposition à celle de professionnel. Pour autant, amateurs et professionnels ne vivent pas en vase clos. Le flou et la porosité des frontières qui les séparent invitent à se pencher sur leurs relations. Nous traiterons cette question en étudiant l'encadrement des groupes amateurs de musique d'ensemble. Le parcours et le profil des professionnels qui encadrent ces pratiques sont révélateurs de la structure des univers musicaux contemporains et de la place qui y est accordée aux amateurs.
 
Guillaume Lurton est maître de conférences à l'IAE de l'université de Poitiers où il enseigne la sociologie et la théorie des organisations. Ses recherches relèvent de la sociologie économique appliquée aux univers artistiques et culturels. Il étudie en particulier les transformations des pratiques chorales au cours des cinquante dernières années.

Questions/Réponses
  • Existe-t-il des études sur : « comment les professionnels du monde culturel entrent en contact avec le milieu amateur » ?
Pas à ma connaissance, comme j'y ai fait allusion au début, mes travaux sur ces thématiques-là commencent à dater. Je pense que c'est l'un des enjeux. La grande question c'est celle de l'institutionnalisation et je pense que l'institutionnalisation des univers musicaux s'est faite assez largement avec un modèle en tête qui est celui de l'univers professionnel. Le modèle de ce qui est au centre de l'univers artistique, c'est le face-à-face esthétique entre le public et l'artiste, cela imprègne très profondément les représentations et en particulier les représentations institutionnelles. Il y a le modèle d'éducation populaire qui a été mis de côté, qui laissait plus de place à un face-à-face, à une perspective différente, dans lequel il était plus facile de développer des activités dans lesquels l'amateur est là parce qu'il a vu de la lumière, parce qu'il y a un groupe, parce qu'il y a quelque chose qui se passe sur le plan social. Il y a une vraie réflexion institutionnelle à avoir derrière.

Un des grands problèmes de la pratique amateur c'est : qu'est-ce qu'on fait chanter ? Comment est-ce qu'on trouve un équilibre entre ce que veulent les personnes en face de nous, ce que veulent les encadrants, ces envies esthétiques et est-ce que cela est possible ? Au-delà de la vocation pédagogique d'aller vers les amateurs, il y a quand même quelque chose qui revient, c'est que les amateurs sont des personnes que l'on doit guider, former, amener vers du mieux et là se posent les questions : quelle est l'autonomie culturelle dont disposent ces personnes ? Doit-on les guider ou doit-on accepter que des gens se retrouvent pour faire de la petite chanson populaire ?

La question du rapport au public est finalement un peu inversée, on ne cherche pas de la crédibilité esthétique auprès du public, dans beaucoup de choeurs amateurs, on cherche à avoir un public pour se faire plaisir lors d'un concert. Il y a quelques groupes que je qualifierais de grands amateurs qui eux rentrent dans un rapport au public qui est beaucoup plus similaire à celui du rapport au public des groupes professionnels.
  • L'objectif des sociétés philharmoniques est d'amener les amateurs à l'admiration des grandes oeuvres patrimoniales. Le répertoire des harmonies est un répertoire de transcription de grandes oeuvres du patrimoine. La mission a changé aujourd'hui car il est clair qu'en abordant des répertoires totalement différents, les amateurs comme les professionnels ont un bagage musical qui n'est absolument pas le même bagage des musiciens issus des harmonies d'il y a 50 ou 60 ans et la relation au patrimoine, pour moi, est très claire dans la mission vis-à-vis des amateurs.
J'entends et je suis prêt à entendre que sur certains secteurs il y a des évolutions et en même temps, je ne suis pas expert de l'histoire des orphéons mais à travers les travaux réalisés par des historiens, j'ai le sentiment quand même que les compositeurs petit-à-petit ont déserté l'orphéon vocal parce qu'il y avait une forme de dégradation du répertoire où on faisait de plus en plus de petites chansons pas nécessairement intéressantes.
Quant à la question du rapport au répertoire dans le mouvement A Coeur Joie, il y a effectivement le projet central de César Geoffray d'amener les chanteurs aux grands répertoires et d'utiliser la petite chanson pour arriver au grand répertoire. Je n'ai pas l'impression que c'est quelque chose de totalement nouveau.
  • Questions d'ordre sémantique : pourquoi vouloir « intégrer » et non pas « accueillir/permettre/être facilitateur » ? / Pourquoi définir amateur par la négation (non-professionnel... cursus/ hors cursus...) et ne pas aller vers plus de complémentarité/porosité ?
Pour moi la question n'est pas tant d'intégrer au conservatoire, la question est plutôt dans le vécu des élèves qui passent au conservatoire et ce n'est pas une question technique ou une question de savoir ce que l'on fait, je pense que la réflexion est plus culturelle. Dans le milieu choral je pense que c'est très clair qu'un mouvement d'institutionnalisation a un peu révolutionné les lieux de formation, les modes de formation, la professionnalisation de l'encadrement depuis les années 80 – 90. On en est aujourd'hui à faire les comptes de cette transformation. Je suis en relation avec des institutions qui ont joué un rôle là-dedans : les missions voix, les professeurs de conservatoire, l'IFAC (Institut Français d'Art Choral) et il y a encore une réflexion aujourd'hui sur la professionnalisation de l'encadrement des amateurs et comment faire pour valider les compétences des chefs de choeur.

Comment faire pour travailler sur les dynamiques de professionnalisation des chefs de choeur alors que quand on fait le compte 40 ans plus tard, je n'ai pas le sentiment que toutes les transformations ont provoqué une hausse du niveau, je pense qu'il y a plus de choeurs de très bon niveau qui ont 30-40 ans mais est-ce que ça a révolutionné le dynamisme du milieu, je n'ai pas l'impression qu'on ait réglé les problèmes d'attrition du recrutement des choeurs amateurs. Ma remarque sur l'intégration est conditionnelle, s'il faut continuer à aller vers ce milieu de professionnalisation de l'encadrement, à un moment donné, la question de « que fait-on pour que les professionnels intègrent le fait que les groupes face auxquels ils vont se retrouver n'ont pas en tête la même représentation qu'eux en terme de ce que c'est faire de la musique ? ». Je suis moi-même assez sceptique sur cette dynamique de professionnalisation, c'est-à-dire que je pense qu'on en voit les limites, il y a eu une transformation du profil des encadrants. On est passé d'un profil avec une petite once de dédain des animateurs à des musiciens. On forme de plus en plus de chefs de choeur musiciens mais on a moins d'animateurs et cela se ressent dans la dynamique du milieu.
  • On parle de professionnels pour encadrer des amateurs, pourquoi ne pas créer des espaces de formation pour que les professionnels soient plus au fait de la pratique musicale en amateur ?
C'est cela tout l'enjeu, si l'on doit réfléchir sur la place des amateurs au conservatoire, le risque c'est de se retrouver avec des espaces au conservatoire où on travaille toujours avec des amateurs d'un certain type.
L'autre enjeu, qui pour moi est le plus important : comment faire pour que les futurs professionnels qui se forment au conservatoire intègrent autre chose que la perspective de vocation qui est celle dans laquelle ils sont formés ? Il y a un troisième enjeu : comment, si on institutionnalise le milieu, si on professionnalise, laisser malgré tout un espace dans lequel les amateurs, encadrants amateurs, se retrouvent ? J'ai l'impression que la dynamique de professionnalisation et d'intégration du chant choral au conservatoire a eu quand même pour effet d'inhiber des parcours qui étaient courants.

Je pense que là où le parallèle avec les musiques traditionnelles est très intéressant et là c'est un enjeu de sociologie voire de philosophie esthétique : comment fonctionne les univers artistiques ? Est-ce qu'ils fonctionnent avec une logique d'autonomie esthétique dans laquelle la finalité du fonctionnement de l'univers est esthétique ou est-ce que l'on est dans un univers dans lequel il y a une dimension fonctionnelle ?
Dans les musiques traditionnelles ce n'est pas l'esthétique qui est centrale et je pense que c'est l'un des problèmes auxquels on est confrontés aujourd'hui : Est-il possible de faire vivre et de soutenir institutionnellement des pratiques culturelles sans rentrer dans ce rapport d'autonomie esthétique dans lequel l'art devient la finalité unique de la pratique ?
Jacques Barbier interroge les sources musicales manuscrites et imprimées, les traités et quelques oeuvres sacrées et profanes de la Renaissance afin de confirmer l'émergence de nouveaux acteurs et de nouvelles pratiques musicales. Il confirme ainsi, à côté des musiciens professionnels, la présence nouvelle de musiciens amateurs dont la pratique est  considérée comme "le passe-temps le plus doux" ; une vision inspirée de l'humanisme ambiant dans l'Europe du seizième siècle mais surtout une nouvelle clientèle recherchée et choyée par l'activité alors en plein essor des principaux imprimeurs de musique.

Support de présentation #3
 
Ancien Professeur des Universités à l'Université François-Rabelais de Tours, Jacques Barbier a étudié tout au long de sa carrière la musique du XVe et du XVIe et plus spécifiquement son répertoire vocal. Très engagé pour créer des ponts entre musicologie et pratique vocale, il présida, entre autres, l'association nationale À Coeur Joie, le Festival Florilège Vocal de Tours ou encore le Centre d'Études Polyphoniques en Région Centre (CEPRAVOI).

Questions/Réponses
  • L'amateur est-il un musicien savant ou pas ? Le traiter d'Artouzi commence par l'éloge de l'oisiveté.
Il y a une porosité entre le domaine profane et le domaine sacré, entre amateur et professionnel aussi. Dans certaines circonstances on fait appel à des supplémentaires, le mot supplémentaire est utilisé déjà au XVIème siècle. Ces supplémentaires sont des anciens maîtrisiens qui ne vivent pas de la musique au moment où on leur demande de chanter. Il y a une porosité entre ces deux mondes. Il y a également une porosité entre les deux types de répertoires qui sont nettement différenciés malgré tout. Quand on voit les polyphonies qui sont écrites à la manière moderne c'est-à-dire où l'oeil peut définir la polyphonie entière, on ne le trouve jamais dans les partitions utilisées par les professionnels comme si on cherchait à cacher l'artifice en quelque sorte.
  • Je pense que la musique et surtout la pratique amateur c'est aussi avant tout pour les gens un pansement de l'âme et aussi une vibration et je pense que les gens recherchent ça aussi.
Effectivement et d'ailleurs on a découvert toute cette idée que la musique permet à l'homme de soigner son âme.
  • Vous avez parlé d'appauvrissement des répertoires à partir du moment où apparaît l'imprimerie. Pouvez-vous développer ?
Ce n'est pas un appauvrissement du répertoire, quantitativement 10 000 chansons c'est énorme, alors que le XVe siècle peut se résumer à deux ou trois chansons importantes mais c'est une musique qui est plus facile à chanter qui ne demande pas la même culture musicale. Le rapport économique est important car avec le peu de choses que l'on sait sur la manière d'interpréter ces chansons ou ces messes et ce n'était pas la même chose puisque les uns sont des professionnels et les autres des amateurs. Quand vous entendez des professionnels aujourd'hui chanter des messes avec la même voix ou le même timbre, la même technique vocale que des chansons, on se dit que ce n'est pas possible, il y a quelque chose qui ne va pas. Je salue donc les amateurs parce que quand j'entends des concerts, ils prennent des risques artistiques en décidant « je fais à la prononciation, je fais ceci ou je ne fais pas cela ». Ce que ne peuvent guère faire les professionnels qui ne peuvent pas envisager de voir un disque capoter par leurs expérimentations et leurs prises de risque. C'est une grande richesse de la pratique en amateur de pouvoir jouer aux explorateurs. C'est pour rendre à l'amateur peut-être pas une définition mais une belle mission.
  • Je m'interroge sur la géométrie variable possible autour de ce qui est imprimé, y-a-t-il une marge de manoeuvre qui fait que selon son niveau on va réaliser les pièces ? Les jouer mais décider qu'on fasse un autre nombre de voix ? Qu'on peut se permettre autant d'ornementations et de diminutions différentes selon ses capacités ? C'est une interrogation sur l'adaptation possible à chacun d'un répertoire comme cela.
Ce que m'a appris le XVIe siècle c'est que bien avant Einstein, tout est relatif et dans un pays où le village d'à côté n'a pas la même mesure, la même monnaie etc. : il y avait une mode qui était propre à chacun. Il y a donc un pragmatisme avant tout. L'histoire de l'accordéon m'a plu ce matin car lorsque l'on voit le nombre de transcriptions instrumentales et la vitalité de ces pièces par les nouveaux habits polyphoniques que l'on remet. Effectivement le XVIe siècle pratique la transcription mais la différence c'est qu'aujourd'hui vous faites une chanson à trois voix, je prends votre chanson et je rajoute juste une quatrième voix vous me poursuivez en justice pour plagiat alors qu'à l'époque, vous veniez humblement me dire « merci de m'avoir pris comme modèle ». C'est toute la différence de la société. Le répertoire choral n'est pas un répertoire d'auteurs mais un patrimoine que tout le monde peut utiliser et enrichir.
  • Cette liberté de réaliser comme on le peut et comme on le veut, j'ai l'impression qu'ensuite avec le grand répertoire à une certaine époque, on est juste pour une mémorisation de l'essentiel. Cette liberté et cette marge de manoeuvre fait que chacun peut réaliser correctement mais à son niveau et à partir du moment où le répertoire se fige avec des parties obligées et on ne peut pas déroger. Forcément, les professionnels deviennent meilleurs que les amateurs et une hiérarchie symbolique s'établit et se conforte. Quels sont les endroits aujourd'hui où il serait possible de retrouver une marge de manoeuvre et une forme de liberté et d'interprétation à partir d'un texte ?
Celui qui lisait très bien et strictement le texte au XVIe siècle (qui est considéré comme un excellent musicien aujourd'hui) était un piètre musicien parce qu'il ne savait pas justement prendre cette liberté et colorer. On a des lunettes complètement différentes sur la partition et sur le rôle du musicien. Cet espace de liberté, il appartenait aux musiciens professionnels ou amateurs.

L'émergence du statut de musicien professionnel contemporain à partir du XIXe siècle et la mystification du rôle de virtuose et du génie créateur issue de la philosophie continentale à la même époque engendra par voie de conséquence un vide pour nommer et définir une réalité de la vie musicale : celle des pratiques musicales non professionnelles. Ce vide pour nommer ce qui n'est pas est actuellement comblé par un terme paradoxalement positif : celui d'« amateur » désignant alors celui qui aime la musique. Il nous semble alors important d'aborder ce paradoxe linguistique, source des difficultés d'analyse des pratiques musicales au sein de la dichotomie « professionnel et amateur », afin de mettre en lumière une question beaucoup plus philosophique mais néanmoins cruciale pour l'étude de la musique et pour son organisation politique : celle du rapport de l'homme à la musique que nous nommons « rapport esthétique ».

Pierre d'Houtaud est professeur agrégé dans le secondaire. Docteur de l'Université de Lorraine en Histoire, spécialité "musicologie", ses travaux de recherche ont porté notamment sur l'étude de notre rapport à la musique depuis l'apparition de l'enregistrement. Chargé de recherches à l'INECC Mission voix Lorraine afin d'étudier les pratiques musicales en amateur, il a monté avec le Professeur Jean-Paul Montagnier le projet de recherches MUSAMAT au laboratoire du CRULH de l'Université de Lorraine dans lequel il est chercheur associé. 

Questions/Réponses
  • Le bénévole ne serait-il pas plutôt un professionnel qui accepte de ne pas être rémunéré, ceci suppose qu'il est au même endroit qu'un professionnel et donc qu'il n'est pas forcément amateur ? Si l'amateur n'est pas une version dégradée du professionnel qu'est-il ? Et en tant que spectateur, dans quelles conditions serait-il plus intéressant d'assister à la représentation de musiciens amateurs ?
Ce colloque nous oblige à définir des choses et avec tout le mal-être que cela engendre car il existe plein de postures, plein de pratiques différentes. Mais l'histoire des pratiques et des représentations montrent qu'on transforme nos pratiques parce qu'on va transformer petit à petit nos représentations et inversement, on va pouvoir aussi de l'autre côté, en transformant nos pratiques, transformer nos représentations. Il y a une sorte de causalité circulaire entre notre manière de penser le monde et notre manière de le faire. Notre manière de concevoir le monde implique que l'on agit sur ce monde de manière différente, si l'on conçoit le monde de manière différente alors obligatoirement on va encore travailler sur ce monde d'une autre manière etc. Donc il est important de définir les objets.

Est-ce que l'amateur serait un professionnel qui accepterait de ne pas se faire rémunérer ? Dans cette question on donne déjà au professionnel une valeur comme une définition de quelque chose. Je pense que le professionnel c'est une définition sociale et donc l'inverse de professionnel ça ne peut être que bénévole ou quelque chose comme ça, c'est-à-dire quelque chose qui sort du cadre de faire profession dans une société. Ensuite le problème d'amateur, donc il parle du bénévole, on l'a vu jusque-là mais il parle d'autre chose qui me semble aussi important et qu'on ne peut écarter complètement : qu'est-ce qui fait qu'on rentre en relation avec quelque chose qui nous paraît bateau parce qu'on le fait tous les jours, peut-être encore plus bateau pour nous parce qu'on est souvent issus de professions de la musique, on en a beaucoup mangé et ça nous paraît être une attitude normale mais si on prend une posture d'ethnomusicologue ou d'ethnologue, c'est-à-dire, on se regarde, qu'on se demande « mais pourquoi je fais de la musique ? Il n'y a aucun intérêt physique, ça ne m'aidera pas à manger ». Il y a une valeur désintéressée et il faut comprendre comment on fait, pourquoi on a construit autant de sociétés. Kafka, qui a écrit une nouvelle que je trouve excellente, que je vous invite à lire qui est « Joséphine la cantatrice ou le peuple des souris » qui pose ces questions.  C'est la dernière nouvelle de Kafka, il va bientôt mourir, il est sur un bilan de sa vie et il se pose la question de l'art et il passe par une souris qui couine et qui va nous obliger à déplacer notre jugement c'est-à-dire qu'au lieu de penser à nous on va penser à autre chose, on va vraiment faire le travail de l'ethnologue. Il dit « mais cette couineuse, elle couine comme toutes les souris qui couinent, elle ne couine pas mieux que les autres, elle couine de manière bizarre parce que quand elle couine, les gens s'arrêtent et les gens vont même lui donner à manger pour qu'elle couine et qu'elle n'ait pas de temps à perdre à travailler pour aller chercher à manger ». Donc cette souris qui est une souris travailleuse, qui parle, qui est le narrateur, va poser l'ensemble des questionnements qu'on doit se poser qui est mais qu'est-ce qu'on est en train de faire quand on fait de l'art.

Pour moi la réponse, à force de réfléchir et réfléchir à ça, elle ne peut être que dans un rapport au monde, à définir bien entendu, mais dans un rapport au monde, c'est-à-dire, qu'en tant d'être humain on s'inscrit en tant que bestioles, en tant qu'animal et on s'est construit d'abord comme un animal qui a besoin de survivre et de rentrer dans le monde en le comprenant et en interagissant avec. Je pense que la religion nous demande de réfléchir finalement à notre rapport en tant qu'être humain au monde dans un court laps de temps et que, quand on se confronte dans des activités artistiques, c'est à mon avis exactement ce qu'on fait. Je pense qu'il y a énormément d'humanité dans les arts et dans la musique et le besoin de mettre ça en loi, car les lois représentent la manière de penser du monde et que, quand on a des amateurs en terme négatif et bien cela montre que le champ lexical n'a pas été compris, que très certainement la philosophie continentale a fait du mal. Car le questionnement de départ est très bon mais qu'est-ce qu'on fait quand on est face à quelque chose que j'appelle musique et pourquoi on y met autant de valeur. C'est impressionnant et pourquoi il y a autant de gens et comment on va faire pour fédérer après tout ça etc. C'est la suite.
  • En quoi la redéfinition du rapport esthétique proposée est-elle propre à l'amateur ? Ne revient-elle pas à établir une équivalence entre amateur et artiste ? Et dans ces conditions pourquoi aurait-on besoin des deux termes ?
L'artiste c'est celui qui fait, d'artisan / artiste. L'artiste est plutôt issu de la distinction avec l'artisan, il y a quelque chose de l'ordre de la main dans le cambouis. Dans le mot amateur il y a le problème de la relation et également d'une attitude qui aussi est une attitude d'écoute. On est dans un triptyque occidental : créateur, interprète et auditeur. L'auditeur a plus d'importance que ce qu'on lui donne. Beaucoup de sociologies ont montré que quand on s'empare d'un objet, la personne qui s'empare de l'objet le réinvente, c'est-à-dire qu'il n'utilise pas l'enregistrement aux fins pensées par le créateur. Il y a eu après beaucoup de jeux d'assemblage d'enregistrements faits par des auditeurs. On réinvente en permanence, il n'y a pas quelqu'un qui est passif et quelqu'un qui serait actif. On est tout le temps en rapport avec le monde quand on fait de l'art et je pense qu'il faut redéfinir ça mais de manière anthropologique c'est-à-dire se poser la question de nous-même, de notre société, de l'organisation de notre société là-dedans. Cela va nous permettre très certainement de redéfinir de nouvelles formes sociales. La question qu'on pose de l'amateur : c'est la question de l'Homme. Nous sommes dans une phase sociale face a un déficit de définition en Occident de ces questions-là. On a besoin d'y penser et je pense qu'on a besoin d'une nouvelle renaissance, c'est-à-dire d'une redéfinition de l'homme et de son rapport au monde.
  • Est-ce que l'amateur ne peut pas être aussi assimilé à un connaisseur au 18e siècle ? Il y a surtout, dans le monde de l'art contemporain, pas mal de théories sur la réception de l'oeuvre qui sont quand même faites depuis des décennies et donc j'imagine que c'est quand même un triptyque que l'on essaye de déconstruire aujourd'hui.
En musique, John Cage a déconstruit le compositeur, ça a été un énorme travail du 20e siècle. Pas sûr que ça ait dépassé le cadre des sachants.
  • Je trouve cela très intéressant de développer l'idée du rapport au monde parce que cela permet aussi de dépasser cette idée qui est assez prégnante de la pratique artistique qui est le développement personnel et l'épanouissement personnel. Généralement on s'arrête là, on dit « pourquoi je fais de la musique ? : C'est parce que je veux m'épanouir, je veux me développer intimement etc. » Le rapport au monde restitue ces pratiques-là dans un système plus général.
Exactement, en fait je pense que des valeurs artificielles ont été créées pour compenser des questionnements qui ont été considérés au 20e siècle comme dépassés tout simplement parce que la philosophie continentale n'a peut-être pas bien digéré le questionnement originel où on a fait de réponses de philosophes des dogmes. C'est-à-dire, quand un philosophe propose une solution, il propose une solution pour essayer de comprendre l'intelligibilité du monde. Que l'on en fasse un dogme, cela devient le problème et après on va philosopher sur les dogmes de ce philosophe et à un moment donné s'il fait des erreurs, parce qu'il est humain, on va dire que la question perd sa valeur alors qu'elle reste en fait centrale. Cela permet aussi une autre chose, cela permet de rassembler le mot musique au singulier et cela permet de refédérer l'ensemble des pratiques à travers le monde et là je pense vraiment à des pratiques que je ne connais pas partout dans le monde autour d'une attitude unique qui est une attitude humaine. Cela nous remet quand même sur une certaine égalité, ça redéfinit l'Homme. Ça, je pense que dans notre société on a besoin de faire ça. Cela ne veut pas dire qu'il faut un relativisme culturel, on ne peut pas dire que tout se vaut. Pour reprendre la discussion d'hier, je pense que la manière dont je parle là a certainement plus de valeur que si je dis « wesh, gros, j'ai faim… ». Cela n'a pas beaucoup de valeur si ce n'est « j'ai faim ». Quand je commence à prendre des questions plus importantes que la faim et que je parle de manière nuancée, ça a plus de valeur. Je pense que dans la musique, la question des valeurs doit pouvoir se poser. On ne peut pas mettre toutes les pratiques sur un pied d'égalité mais ça ne veut pas dire que ça délégitime une pratique.
 
  • Comment permettre aux personnes éloignées des milieux culturels et artistiques de découvrir de nouvelles esthétiques sans tomber dans le dogmatisme, sans enjoindre qui que ce soit à préférer certaines esthétiques dites légitimes à d'autres ?
C'est très compliqué. Les propos tenus hier sur le moment où on influence un objet, une pratique parce qu'on la reprend dans un système étatique, normalisé, normé, le moment où on la dénature etc. On ne dénature pas quand on reprend à son compte des pratiques différentes. Il y a un rapport esthétique que recherche quelqu'un quand on l'accompagne dans ce rapport-là. Est-ce qu'on ne dénature pas sa démarche quelques fois ?
Dénaturer ce n'est pas non plus un crime, des fois ça fait du bien de dire « j'ai été inspiré par telle personne dans ma vie, il m'a un peu dénaturé par rapport à mes points de départ mais au final je suis quand même content de là où je suis allé ». Mais ce sont quand même des questions que l'on doit se poser en tant que responsable, si je suis responsable politique, si je suis responsable d'un organisme, à quel moment j'accompagne quelqu'un…
  • Remarque : Entre amateur et professionnel sur la relation à la compétence : je pense qu'intuitivement on postule qu'un professionnel est compétent. Par contre dans la relation de l'amateur il me semble qu'il y a deux catégories où les amateurs ont une relation avec le plaisir et il y a une catégorie qui me semble plutôt statique et le terme n'est pas péjoratif. Si je vois mes copains de la chorale, il y en a qui sont contents de venir et sans trop chercher à s'améliorer ils ont un plaisir, par contre il y a une autre catégorie plus difficile à définir, celle qui trouve du plaisir en progressant et là on rentre dans le rapport à la compétence, il y a une dynamique. Il y a la dimension dynamique de l'amateur qu'on retrouve peut-être moins chez les professionnels. On suppose qu'un professionnel est compétent.
  • Remarque : Il y a une poursuite de la discussion qui s'est mise en place tout à l'heure autour de ta définition esthétique. Je trouve que la manière dont tu repositionnes le rapport à l'esthétique est intéressante, je ne suis pas encore totalement convaincu par la nécessité d'associer cette définition-là au terme amateur car comme on l'a dit, on retombe sur des phénomènes qui sont assez proches, en quoi on le différencie de l'artiste, du connaisseur... Ici, puisqu'on travaille sur les catégories, on a du mal à caractériser parce que cette perspective enlève et déconnecte la question de l'amateur de la question sociale que tu évoquais plus tôt donc je pense que ce qui est important c'est justement d'arriver à tenir les deux : le rapport esthétique et la question de la définition sociale. C'est pour ça que je n'associerai pas les caractéristiques esthétiques que tu proposes au rapport de l'amateur. Par contre ce que je trouve très intéressant c'est que justement cela permet de reposer la question de l'amateur en lien avec la manière dont tu positionnes les choses au départ. À partir de ta définition, la pratique devient elle-même une réception et à ce moment-là, ça permet de réintroduire la question sociale. De même, puisque la réception est une pratique, intéressons-nous aux réseaux de médiation qui vont permettre cette écoute de devenir pratique. En renversant les choses, on réintroduit les mêmes questions mais en déplaçant le problème, ce qui nous intéresse ce ne sont plus les auditeurs ou les récepteurs, mais c'est de voir comment le fait de faire est en soit également une réception de la pratique et là, on peut rouvrir toutes les questions que tu poses. Là, ça ouvre un programme ethno, socio, où vont les médiations qui permettent à une pratique d'être une écoute ?
  • C'était pour le problème des compétences et le problème d'acquisition des compétences petit à petit. Dans le peu que je peux voir dans les publications qui existent actuellement et qui arrivent actuellement parce qu'il y a encore beaucoup de questionnements dans la musicologie sur les pratiques musicales qui ne sont pas les grandes pratiques musicales telles qu'on les a connues jusque-là.
Il me semble qu'il n'y a pas plus de compétences dans le monde professionnel lié à la musique en termes de nombre de compétences que ce qui existe de manière naturelle dans toute construction d'un rapport esthétique. Je pense que la professionnalisation, ce qu'elle fait dans la technique c'est qu'elle accentue de manière très forte la technique de chaque compétence. Mais je ne suis pas certain qu'il y ait une différence de compétences et même une différence de rapport à ces compétences et de leur acquisition. Ce qui serait intéressant ce serait de se positionner aussi dans l'autre sens c'est-à-dire par exemple : en tant que compositeur pour moi travailler avec des professionnels ou des amateurs selon les cas de figure, …je ne vais pas en faire une généralité du tout mais je vais pouvoir trouver des compétences d'un côté que je ne trouverai pas de l'autre.
De 1854 à 1880, le Magasin des demoiselles, l'un des premiers périodiques féminins en France, publie un opéra de salon annuel pour ses abonnées. Destiné à l'espace semi-privé du salon bourgeois, l'objet culturel du périodique est genré : tous les rôles et emplois de cet opéra-comique en réduction sont féminins. Nous scrutons ces caractéristiques au prisme de trois oeuvres de la collection – La Cigale et la fourmi, La Dame de compagnie de F. Poise, La Fille du golfe de L. Delibes.

Support de présentation #5
 
Sabine Teulon-Lardic est docteure en musicologie de Paris Sorbonne et chercheure au laboratoire CRISES (E.A. 4424) de l'Université Paul Valéry Montpellier 3. Son premier axe de recherche, l'opéra-comique au 19e siècle, la conduit à participer aux colloques internationaux et à contribuer à des publications collectives (Carmen Abroad, Cambridge University Press, 2020). Son second axe explore les pratiques musicales, amateurs et professionnelles, dans les théâtres de plein air et les institutions du midi de la France (Inventer le concert public à Montpellier, Symétrie, 2014).

Questions/Réponses
  • De quelle manière cette étude de cas résonne-t-elle à notre époque actuelle ?
C'est une étude de cas qui a pour cadre le salon bourgeois du second empire de la IIIe République donc c'est vraiment très ciblé sur un mode de société où la place de la femme est très circonscrite. Il est difficile de transférer ceci, comme sur les problématiques actuelles néanmoins j'y vois les prémisses d'une émancipation et aujourd'hui la pratique amateur pour tout à chacun est aussi un facteur d'émancipation sociale.
  • Toutes les chanteuses semblent amatrices, quid de l'ensemble instrumental / accompagnement de piano ? L'accompagnement de piano est féminin ou pas nécessairement ?
Malheureusement je n'ai pas de commentaire dans la publication sur comment cela se déroule dans les intérieurs. On peut supposer que c'est une femme mais je n'en sais rien du tout. Dans les salons à cette époque-là, l'opéra de salon émerge en 1940. Là on a des témoignages généraux et donc on sait qu'il y a je dirai presque des professionnels de ce genre amateur.
  • Celle-ci résonne sur les deux questions de l'espace du concert et l'espace de la pratique. On a un modèle qui est le salon bourgeois par rapport à ce qu'on voit aujourd'hui, beaucoup de compagnies, de groupes de choeur, essayent d'aller désacraliser le lieu du concert et d'aller dans de nouveaux espaces de concert et qui, à l'inverse posent la question des conditions de la pratique dans l'espace où on pratique chez soi et des moyens que l'on a pour ça.
Pour avoir investigué d'autres pratiques amateurs, j'ai beaucoup travaillé sur les orphéons, dans des spectacles musicaux, dans des amphithéâtres méridionaux et les Arènes également, il semble que le lieu génère une forme de pratique amateur. Le salon c'est la sphère bourgeoise, les orphéons dans les amphithéâtres c'était des spectacles grandioses et qui portaient des grandes valeurs, où on chantait sur le thème de la liberté, de la grandeur de la France, des préoccupations qui tournaient à l'époque. Donc ce qui est important à dire, c'est que le lieu fédère la pratique elle-même et on constate beaucoup de porosité entre le statut d'amateur et de professionnel dans les échanges que Pauline Viardot et George Sand ont fait dans leur correspondance. Ce qui en ressortait c'était le jeu collectif qui fait groupe social autour d'elles. Il me semble que c'est très important de parler de ce jeu collectif qui est lié à un lieu, soit le salon soit les Arènes... C'est le lieu qui fabrique en quelque sorte la sociabilité musicale.
  • George Sand utilisait le terme de théâtre vivant pour cette pratique du théâtre. Le théâtre existait, pourquoi a-t-elle ajouté ce terme de théâtre vivant dans ce cadre-là qui fait résonnance au fait qu'on parle de spectacle vivant aujourd'hui ? 
C'était en partie la dimension spontanée puisqu'il y avait un scénario sur la base de la Commedia dell'arte qui fixait à l'avance leur propre jeu.

Ernest Laurent (1839-1902) fut le seul musicien français qui soit venu participer à la création de la Tétralogie de Wagner, Der Ring des Nibelungen, au premier Festival de Bayreuth de 1876. Ce violoncelliste était venu apporter bénévolement son concours : il n'était pas un musicien professionnel, mais un « amateur » fortuné, négociant en vin à Montbéliard. Quinze ans plus tard, le même Ernest Laurent serait le créateur en France du Concerto pour Piano d'Edvard Grieg, lors d'un concert mémorable au Grand Théâtre de Bordeaux, tenant cette fois-ci la redoutable partie de piano solo. A la fois "Amateur", "Virtuose" et "Militant de la cause de la Musique de l'Avenir", Ernest Laurent offre une image à la fois singulière et exemplaire de la pratique musicale des amateurs en France au XIXe siècle.

Support de présentation #6

Denis Morrier est professeur d'Analyse musicale au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris et de Culture Musicale au Conservatoire du Pays de Montbéliard. Ses activités de recherche musicologique ont trait à deux domaines particuliers : le baroque naissant en Italie (autour de Monteverdi) et le Wagnérisme

 

  • Amateur passionné ou professionnel ?
C'est clair, c'est exactement ça ou alors c'est un changement de vie. Les porosités font que parfois la vie change. J'ai vraiment l'impression qu'au statut amateur est souvent associée l'idée de musicien limité. Or, ce que j'ai essayé de vous montrer c'est qu'en effet à certaines époques et encore aujourd'hui, ce n'est pas du tout le cas. Je connais des amateurs qui ont des niveaux techniques excellents. On voit très bien qu'il y a des amateurs qui ont des niveaux techniques qui leur permettent d'aborder tous les répertoires jusqu'aux plus exigeants et ceux-là passent sous les radars comme on dit.
  • Remarque : Ce matin nous avons évoqué la question de la compétence et on pose la question du diplôme et de la compétence a priori particulièrement en France et c'est vrai qu'elle reste parfois vérifiée pour certains professionnels.
  • Est-ce que dans les archives on trouve des éléments sur la manière dont il y a des choses qui émanent justement des musiciens professionnels avec lesquels Ernest Laurent travaille. Et de la part de la famille ? Parce qu'on voit que dans la descendance il y a quelque chose qui a enjolivé le fait de se produire en concert, est-ce qu'on a une idée de comment ça s'est perdu ? Quelles étaient les représentations de ce milieu social à l'égard du fait de se produire comme ça ? Même question sur les relations entre amateurs et professionnels avec justement l'orphéon local, les musiciens locaux, comment étaient les relations, est-ce qu'on parle de relation d'égal à égal quand on construit ces programmes pour les concerts de bienfaisance ?
Alors non, sincèrement non je n'ai rien trouvé pour l'instant de cet ordre-là. Pour obtenir un tel niveau, premièrement les familles elles-mêmes sont musiciennes même si elles ne sont pas professionnelles et deuxièmement nous sommes dans une période de préceptorat et tous les précepteurs sont musiciens et de très bon niveau. À partir de là, chez Alfred Beauvais, j'ai pas mal de témoignages de musiciens et ce qui est très troublant c'est qu'en effet ils parlent d'égal à égal. Dans leurs têtes, cette distinction n'existe quasiment pas.
Un des chantiers que j'ai commencé à mettre en oeuvre, c'est de chercher des relations, des revues de presse, j'en ai trouvé beaucoup pour la période de Bordeaux, pour Montbéliard il y a vraiment un problème de couverture presse des concerts, c'était déjà comme ça à l'époque. Ici beaucoup de concerts se passent dans des salles des fêtes ou dans des théâtres et un grand nombre de spectacle, je me rends compte qu'il y en a d'autres qui se passent dans des salons en particulier à Bordeaux. Je me rends compte qu'en gros ce sont les mêmes programmes et le système de concert de variété se retrouve de l'un à l'autre et la pratique de salon peut être translatée directement sur la scène du théâtre et avec les mêmes acteurs ce qui est intéressant et les questions qu'il faut se poser c'est pourquoi est-ce que l'on passe du salon familial au théâtre et j'en ai donné la réponse, ce sont des questions de bienfaisance. À chaque fois il y a ce côté concert de bienfaisance et il y a un besoin récurent de réclamer des fonds. Pour la troisième question, là aussi je manque de documents précisément, ce serait déplacé de ma part de vous répondre.
  • La place de la culture musicale dans les cursus d'enseignement, c'est quelque chose qu'on aborde peu. On parle de l'apprentissage de l'instrument, de la pratique, de la pratique collective mais la discipline de la culture musicale est-ce que c'est dès la formation initiale ou est-ce que c'est dans tous les établissements ?
C'est un sujet épineux. J'ai obtenu en 1987 le premier CA de culture musicale, j'étais encore étudiant. Ce n'était pas un cadeau d'avoir si jeune un tel diplôme parce qu'en effet à cette époque-là il n'y avait aucune classe de culture musicale puisque la discipline a été inventée ex-nihilo et il n'y avait aucun poste au bout. Ce sont des disciplines qui sont neuves, qui se développent petit à petit. C'est une dimension très contrastée.
  • Au 19e est-ce que cette culture musicale se fait dans la famille, par des paires ?
Elle se fait exclusivement dans la famille, à travers aussi le fait qu'à cette époque on ne vit exclusivement que de musique contemporaine et la plus contemporaine qui soit et c'est quand même intéressant de voir apparaître ce qu'on appelle « Helden Geschichte » donc l'histoire des héros qui met en avant des héros de l'histoire de la musique avec une sorte de lignée continue qui va de Jean Sébastien Bach en passant pas Hayden, Mozart, Beethoven… et c'est cette sorte de vision linéaire d'une histoire de la musique allemande qu'incarne d'ailleurs Ernest Laurent dans ses programmes véritablement. A côté de ça, lui s'intéresse à la musique contemporaine allemande et au premier chef, Wagner. Ernest Laurent fait des arrangements, il est compositeur par ailleurs, il joue ses compositions et il fait des arrangements d'oeuvres de Wagner également. Donc on est vraiment dans la musique la plus moderne qui soit.
  • Remarque : Les programmes des 6 séances de musique classique, en 1877, l'ensemble de cette programmation en quelque sorte est quelque chose de commun à toute la France puisque j'ai fait un travail sur les sciences musiques classiques à Montpellier dans la décennie 1880 et je retrouve exactement non seulement les mêmes compositeurs mais les mêmes oeuvres. Il y a quelque chose d'intéressant, il faudrait dresser un diaporama de ces concerts, comment les gens fonctionnent-ils pour qu'il y ait un réservoir qui se créé dans la musique du 18e et contemporaine, du 18e jusqu'au 19e sur des territoires quand même assez éloignés.
  • J'ai été assez interloquée de voir le soutien à la société de Vincent D'Indy vers 1870. Je voulais savoir si, à part d'être de grands catholiques certainement tous les deux, est-ce qu'il y a un lien de proximité musicale ?
Le lien c'est Alfred Beauvais. J'ai eu à gérer, à saisir, à traiter, une correspondance d'une centaine de lettres entre Vincent D'Indy et Alfred Beauvais et donc, Vincent D'Indy est un visiteur récurrent d'Alfred Beauvais près de Montbéliard et de la même manière, dans le salon particulier parisien d'Alfred Beauvais, Vincent D'Indy est un autre récurrent. Dès 1880, Beauvais offre à D'Indy le manuscrit de Beethoven et donc à la mort de Vincent D'Indy, ce manuscrit va être mis en vente et racheté par Stefan Zweig et à sa mort, ce manuscrit arrive dans la bibliothèque nationale de Londres.
  • Est-ce qu'il y aurait des lettres de Saint-Saëns sur le parcours algérien ?
Non, je n'en ai pas trouvées.
  • Vous avez présenté Ernest Laurent comme un amateur passionné, distingué mais pour rattacher votre présentation à l'objet de notre colloque, au final, la distinction entre amateur et professionnel est une distinction purement économique qui n'a de sens que lorsque les personnes ont le besoin de gagner leur vie. L'amateur c'est celui qui fait de la musique sur son temps libre mais temps libre signifie que cette personne travaille et le professionnel est celui qui va faire le choix de gagner sa vie donc de consacrer tout son temps à la musique pour gagner sa vie. Mais dans le cas d'une personne qui n'a pas à gagner sa vie, cette distinction est complètement inopérante et n'a aucun intérêt puisqu'il n'y a pas d'intérêt non plus du point de vue des politiques culturelles parce que, quand on met en place une politique culturelle, c'est soit pour aider les professionnels à trouver du travail soit pour soutenir les amateurs dans leur pratique, dans un temps limité qui est leur temps libre mais il n'y a pas besoin de politique pour des gens comme ça.
Les gens comme ça sont ceux qui font la politique, c'est-à-dire ceux qui sont les animateurs, promoteurs et les acteurs principaux de la vie culturelle. Si ces gens-là n'avaient pas eu cette action à Montbéliard au 19e, quelle aurait été la politique musicale au sens général du terme, très large, pourrait-on parler d'une politique de diffusion musicale à Montbéliard au 19e siècle ?
  • Non. Mais aujourd'hui est-ce qu'on pourrait toujours dire que ce sont des personnes comme lui, qui ont tout leur temps pour développer leurs pratiques musicales, qui cherchent à diffuser à la musique ou est-ce qu'on a affaire à deux choses complètement différentes aujourd'hui ?
Je me permets de relativiser une chose, en effet, Ernest Laurent et Alfred Beauvais sont très riches, ils ont des entreprises, ils ont des ouvriers, ils ont des commis et ils ont des employés mais ils travaillent quand même sauf que les deux ont une manière de gérer leur temps, ces gens-là ont une action qui relève pour moi fondamentalement de mécénat. En fait, ils ont une double action pour moi. Ils sont non seulement des bénévoles qui, dans leurs pratiques musicales ne demandent pas à être financés, c'est beaucoup plus frappant encore pour Alfred Beauvais et en revanche, ce sont des gens qui financent allègrement les outils de diffusion de la musique. Les concerts sont financés. À partir de là, l'amateur qui aime la musique, l'aime à ce point, non seulement il lui consacre tout son temps libre parce qu'il a quand même du temps d'occupation et en plus il lui consacre une grande part de son argent véritablement. Mais ça touche le problème du mécénat.
  • Et donc, à quel point les grands mécènes individuels influencent-ils la politique culturelle aujourd'hui puisque c'est quelque chose qui existe, qui n'existait pas à l'époque. Le fait qu'il y ait des grands donateurs, à quel point ça influence la diffusion des oeuvres aujourd'hui ?
Ce sont des actes isolés, j'en ai connu personnellement, j'y étais confronté avec mon ensemble de musique ancienne. Il y a des industriels qui sont prêts à avoir une action totalement désintéressée et de pur mécénat et qui continue à aider. Je l'ai vécu, il y en a, il ne faut pas dire qu'il n'y en a pas. Désintéressé lorsqu'ils demandent à ce que leurs noms n'apparaissent nulle part.
Ce colloque a été organisé en partenariat avec l'Université de Lorraine, le CRULH et la Cité musicale-Metz

  
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