12 et 13 novembre 2021

Retour sur... La pratique musicale en amateur

"Comment définir l'amateur ?". Voilà la question sur laquelle ont planché, les 12 et 13 novembre, sociologues, politiciens, musicologues, professionnels et amateurs de musique à l'occasion du colloque : la pratique musicale en amateur. Au cours de ces deux journées ce sont des conférences, des débats, des ateliers ou encore des mises en situation qui ont été proposés aux participants afin de tenter de répondre à cette problématique. Ce fut l'occasion de s'interroger d'une part sur la sémantique particulière du terme "amateur" qui désigne celui qui aime ou celui qui n'est pas professionnel ainsi que sur la définition du professionnel et du rapport de l'homme à la musique. Au-delà de l'aspect théorique de la notion, ce temps de réflexion a été l'occasion pour les participants de découvrir le rôle et l'évolution de l'amateur au fil de l'histoire, de la Renaissance au XIXe siècle. Nous avons interrogé les intervenants, ainsi que deux participantes, l'une professionnelle de la musique et l'autre choriste amateure, sur leur conception de l'amateur.

Sommaire

Anne-Marie Jean
Jacques Ducloy
Georges Escoffier
Guillaume Lurton

  Jacques Barbier
Pierre d'Houtaud
Denis Morrier

Sabine Teulon-Lardic
 

Jean-Pierre Seyvos
Jean-Michel Lucas

Professionnelle
Choriste


  • Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre parcours ?
J'interviens aujourd'hui en tant que conseillère municipale déléguée de Strasbourg aux pratiques artistiques en amateur. Mon parcours, avant d'arriver à cela, est double. Tout d'abord un parcours professionnel et puis un parcours de choriste amateur depuis toujours et qui m'a amené à prendre progressivement des responsabilités dans différentes associations comme le choeur dans lequel je chantais à Strasbourg, l'association centre d'art polyphonique d'Alsace devenu Mission Voix Alsace devenu aujourd'hui Cadence dont j'ai été présidente puis vice-présidente, et présidente de la Plate-forme interrégionale (PFI) qui regroupe toutes ces associations dont l'INECC fait également partie.
  • Quel est votre rapport à la musique ?
Elle m'habite depuis toujours, je ne peux pas vivre sans et ça me manque beaucoup aujourd'hui à la fois à cause de la crise sanitaire qui a beaucoup perturbé la vie des chorales et puis aussi par mon emploi du temps d'élue qui est assez compliqué à gérer. Ne plus pouvoir chanter me manque parce que cela fait vraiment partie de ma vie et c'est pour ça aussi que j'ai voulu m'engager associativement, pour promouvoir cette pratique et pour, non pas défendre parce que ce n'est pas une question de défense, mais permettre à un maximum de gens de connaître le bonheur que c'est d'être en contact avec la musique et de la pratiquer.
  • En quoi le thème de ces deux journées "La pratique musicale en amateur" est important pour vous ?
Il est au coeur à la fois de mon engagement associatif et aujourd'hui de mon mandat municipal donc c'est vraiment pour moi extrêmement important que l'on ait comme ça des lieux d'échanges. Il me permet aujourd'hui de venir témoigner de la politique que nous avons mise en place à Strasbourg, qui est toute neuve et toute fraîche, autour du soutien aux  pratiques artistiques en amateur. J'espère qu'elle pourra inspirer d'autres villes, je l'espère très sincèrement et puis je viens m'alimenter, me nourrir parce que ce sont des sujets qui ne sont pas simples à aborder, ils sont à la croisée de tellement de sujets que si on ne les prend que par un bout, on les aborde mal et c'est bien pour cela que c'est aujourd'hui un angle mort de la plupart des politiques publiques quand c'est à la croisée de plusieurs choses ça devient compliqué et on a tendance à le laisser de côté.
  •  C'est quoi pour vous un amateur ?
C'est tout d'abord quelqu'un qui aime et qui s'engage dans la durée dans sa pratique. Je n'aime pas du tout le terme d'amateur comme beaucoup parce que très vite on a derrière la notion d'amateurisme et pour moi c'est tout sauf de l'amateurisme que d'avoir une pratique artistique en amateur. Tous ceux qui sont choristes le savent c'est une discipline, c'est du temps, c'est du travail, c'est une forme de contrainte parce que le soir après le boulot quand on aurait plutôt envie de rentrer chez soi tranquille et bien on va encore à la répétition et on a en plus des répétitions le week-end quand on prépare les concerts et tout ça c'est beaucoup de temps et d'engagement. Mais c'est une telle gratification que de créer de la beauté et que d'en être acteur, de vibrer avec les autres et de vibrer avec un public, c'est vraiment quelque chose qui me nourrit et dont je voudrais que le plus de gens puissent avoir le bonheur de le vivre.

Jacques Ducloy
  • Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre parcours ?
Je suis retraité du CNRS après avoir travaillé depuis 1968 dans l'informatique et j'ai fondé le réseau WICRI dans le cadre de mes responsabilités à la Délégation régionale à la recherche et à la technologie en Lorraine. J'ai aussi un parcours professionnel sur tout ce qui est information numérique et où je m'intéresse plus particulièrement à la musique. J'ai eu un parcours musical purement scolaire quand j'étais petit mais avec un milieu scoutisme et un milieu familial religieux très favorable à l'apprentissage musical. J'ai eu 40 ans d'arrêt où je ne faisais que chanter aux repas de famille et cela fait 15 ans que je suis choriste passionné dans le mouvement À Coeur Joie où je suis dans une chorale et où je fais plein d'oeuvres régionales.
  • Quel est votre rapport à la musique ?
Je suis choriste et je m'intéresse de plus en plus à la musicologie. On peut me qualifier aussi de musicologue amateur.
  • En quoi le thème de ces deux journées "La pratique musicale en amateur" est important pour vous ?
Politiquement, je pense que c'est un sujet important. En général, je me rends compte que dans mes préoccupations j'ai des notions un peu élitistes de l'amateur curieux qui veut aller au-delà de simplement chanter une chanson. L'amateur qui, quand il chante une chanson Renaissance, a envie de comprendre le contexte, comment elle a été composée. Donc je m'intéresse beaucoup à l'amateur curieux mais je me rends compte que c'est peut-être un sous-ensemble des amateurs. Je m'intéresse aussi à proposer des outils d'apprentissage grâce à ma connaissance de l'écriture musicale, j'aimerais bien par exemple pouvoir aider les chefs de choeur qui n'ont pas ma pratique informatique, à mettre en place des outils d'apprentissage.
  •  C'est quoi pour vous un amateur ?
C'est quelqu'un qui aime. Quand j'étais gamin, j'aimais chanter sans me poser de questions. Maintenant, j'aime chanter et en savoir plus car je suis plus un amateur passionné de culture, un amateur humaniste. Mais les deux peuvent cohabiter, par exemple dans ma chorale, ce que je fais là intéresse 4 choristes sur 50, les autres viennent là pour chanter, ce qui est très bien aussi.
  • Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre parcours ?
Mon parcours a commencé pour la musique par une chorale à l'école universitaire de Lyon puis ensuite par le mouvement À Coeur Joie et j'ai été amené à diriger un ensemble parce que le chef s'en allait, ensemble dans lequel je chantais et cela fait 20 ans que je dirige un ensemble vocal. J'ai toujours pratiqué en parallèle comme choriste dans d'autres ensembles et depuis 3 ans maintenant je dirige une chorale de village.
  • Quel est votre rapport à la musique?
Assez intellectuel puisque je suis musicologue par ailleurs, c'est un rapport de connaissances, un peu de création aussi puisque j'ai fait de l'électro acoustique et j'ai composé.
  • En quoi le thème de ces deux journées "La pratique musicale en amateur" est important pour vous ?
Pour deux raisons. Pour une raison de recherche, parce que j'ai beaucoup travaillé sur les ensembles amateurs historiquement et pour des raisons de politique, car dirigeant un coeur et étant membre du conseil musical de la région À Coeur Joie, cela soulève des questions politiques c'est à dire obtenir des subventions, faire comprendre aux élus ce qu'on fait, ça paraît essentiel.
  •  C'est quoi pour vous un amateur ?
C'est insaisissable, c'est très difficile à repérer aujourd'hui. Il faut sortir des banalités, c'est quelqu'un qui aime la musique mais pas toujours. On rencontre des pratiques amateurs qui sont tout d'abord des pratiques de convivialité, de rencontres entre les copains et les copines et la musique vient plutôt au troisième rang là-dedans.
  • Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre parcours ?
Je suis maître de conférence à l'Université de Poitiers en sciences de gestion, je suis sociologue. J'ai commencé à travailler dans l'administration culturelle avant d'aller vers la recherche en sociologie et je me suis spécialisé en sociologie des organisations et sociologie économique appliquée aux univers culturels. J'ai travaillé sur la professionnalisation des musiciens et ensuite pendant une dizaine d'années sur le milieu choral et les transformations du milieu choral en France des années 1950 à nos jours.
  • Quel est votre rapport à la musique ?
En tant que sociologue je travaille sur les univers musicaux, je suis pianiste amateur, je suis un produit du Conservatoire à la base, je ne suis pas parti dans le cycle de professionnalisation mais je suis allé au bout des cycles de Conservatoire en piano. J'ai fait ma thèse sur le chant choral et je me suis fait rattraper par mon sujet qui m'a amené à chanter en choeur et même à diriger donc après ma thèse je suis retourné au Conservatoire, j'étais en début de 3e cycle de direction au Conservatoire à Poitiers et je dirige à côté des groupes purement amateurs.
  • En quoi le thème de ces deux journées “La pratique musicale en amateur” est important pour vous ?
D'une part parce qu'à titre professionnel je suis musicien amateur mais c'est aussi une thématique centrale dans mes travaux parce qu'il y a la question du milieu choral qui est un milieu largement amateur et ce sont toutes les questions que j'ai posées dans ma thèse : cette articulation entre amateur et professionnel traitée à la fois en termes historiques. C'est-à-dire montrer dans ma thèse comment un milieu qui était purement amateur (avec vraiment des exceptions très limitées dans les années 50, 60, 70), s'est transformé dans les années 80-90 pour arriver à une situation dans les années 2000 où il y a un milieu amateur qui continue à exister mais qui n'est quand même pas en grande forme aujourd'hui. C'est vrai que dans les années 2000 et encore aujourd'hui je pense que le dynamisme du milieu choral n'est pas aussi grand que ce qu'il était dans les années 50 et par contre à côté il y a un milieu amateur qui s'est développé donc c'est un peu ces jeux là sur le plan à la fois économique et sur le plan politique, quelles sont les transformations qui ont entraînées ces évolutions.
  • C'est quoi pour vous un amateur ?
À titre personnel je ne pense pas que ce soit la bonne question, je pense que c'est un faux problème que de se demander ce que sont les amateurs. Pour traiter la question de l'amateurisme, je pense que la bonne manière de parler d'amateur c'est de dire qu'un amateur c'est celui qui n'est pas professionnel. Je pense que quand on donne d'autres définitions, il y a des problèmes trop grands qui rentrent en ligne de compte. On rentre dans des questions qui sont très normatives dans lesquelles c'est plus compliqué d'être rigoureux. Le problème ce n'est pas de définir l'amateur, la vraie question c'est de se demander qu'est-ce qui fait dans l'organisation du milieu artistique, du milieu musical et contemporain qu'on se pose la question de l'amateur.
 

  • Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre parcours ?
J'ai passé ma carrière à l'université comme enseignant chercheur sur les répertoires du 16e siècle donc essentiellement les pratiques vocales ce qui résonne aujourd'hui dans le colloque qui est consacré à l'amateur qui chante beaucoup, qui représente une grande partie de cela. Cette musique du 16e siècle est intéressante parce que c'est là qu'émerge l'amateur par rapport au professionnel avec cette découverte de l'imprimerie et donc un nouveau vecteur de diffusion. On peut penser, dans cette perspective du 21e siècle que le MP3 ou la révolution numérique va changer ce rapport en quelque sorte entre amateur et professionnel. Ceci est la première dimension. Ensuite j'ai été très investi dans le développement des pratiques amateures justement et j'ai été président du mouvement national À Coeur Joie pendant une décennie ce qui m'a permis d'être sensible en quelque sorte au problème et à la valorisation des répertoires et surtout des publics amateurs aujourd'hui. Ce pont entre le 16e et le 21e siècle c'est quelque chose dans lequel j'aime bien circuler.
  • Quel est votre rapport à la musique ?
Mon rapport avec la musique c'est un rapport très charnel, très fusionnel, avec la pratique parce que pour moi qui travaille sur le 16e siècle, je suis persuadé que Josquin Des Prés n'a pas écrit des messes pour qu'elles soient publiées et restent dans des bibliothèques mais qu'elles soient chantées. La musique du 16e siècle est une musique vivante parce qu'elle est toujours pratiquée au 21e siècle. C'est ça ce contact charnel et il n'y a pas d'équivalent.
  • En quoi le thème de ces deux journées "La pratique musicale en amateur" est important pour vous ?
Ce colloque met le doigt sur certaines injustices et c'est ça qui m'intéressait de souligner. C'est-à-dire les fausses voies dans lesquelles certaines politiques culturelles peuvent s'engager au détriment d'une pratique amateure et puis en même temps, je défends cette idée très ancienne que plus on est ensemble pour chanter et mieux on vivra. Le mieux vivre ensemble commence déjà dans une chorale. Quand on chante à plusieurs voix, quand on chante la polyphonie notamment c'est accepter que l'autre qui est à côté de vous chante autre chose, chante différemment, et ce qu'il chante qui n'est pas la même chose que vous ne va pas contre vous mais ça donne de la richesse à ce qu'on fait. C'est donc la diversité comme enrichissement et ça me tient à coeur. La polyphonie est une source d'enrichissement et de compréhension des autres, le chant comme objet de tolérance. 
  •  C'est quoi pour vous un amateur ?
C'est quelqu'un de généreux, tout simplement.
 

  • Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre parcours ?
Je suis professeur de musique dans le secondaire, j'ai une agrégation, j'ai aussi passé une thèse l'année dernière sur l'histoire de l'enregistrement et l'histoire de l'esthétique, j'ai fait des recherches cette année sur les pratiques musicales en amateur pour l'INECC et pour le CRULH et j'essaye de développer un partenariat entre les deux avec Monsieur Montagnier et un projet de recherche qui s'appelle Musamat.
  • Quel est votre rapport à la musique?
Mon rapport à la musique est déjà vieux puisque je crois que depuis que je suis gamin j'entends mes frères jouer de la musique sur le piano. Je crois qu'il a toujours existé, il a été problématique à l'adolescence comme pour beaucoup de gens. Je suis revenu dessus plutôt vers le lycée et puis par un parcours de conservatoire et de faculté de musicologie à côté. Ensuite la compréhension qu'il y avait quelque chose à faire sur justement la pratique musicale en amateur assez tôt, un retour avec la chorale universitaire de Nancy pour justement essayer de travailler là-dessus et essayer de transformer peut-être la représentation du chant choral en France en essayant de lui donner un petit coup de jeune.
  • En quoi le thème de ces deux journées "La pratique musicale en amateur" est important pour vous ?
C'est quelque chose de naturel. Je me suis aperçu en faisant les interviews pour le projet sociologique avec Guillaume Lurton qu'il m'est arrivé à peu près la même chose que les personnes que j'interviewais c'est-à-dire que dans mon enfance sans m'en apercevoir j'avais eu des rapports avec la pratique musicale en amateur que je n'avais jamais définis comme tels, en accompagnant en tant que pianiste beaucoup de chorales dont une chorale de gospel et j'étais avec des amateurs qui ne savaient pas parler musique et moi j'étais, au contraire, du côté du conservatoire avec une forte connotation de la partition. Il a fallu que je change complètement mon rapport à la musique parce que justement il n'y avait plus besoin de partition et il fallait que je fasse marcher mon oreille, aller vers de l'improvisation. Je m'aperçois que je reviens aux sources en réfléchissant à ce sujet et ça doit être pour cela que c'est un sujet qui me passionne.
  • C'est quoi pour vous un amateur ?
Je ne suis pas sûr que le mot soit complètement pertinent pour expliquer. Un amateur pour moi c'est quelqu'un qui nous permet de nous représenter quelque chose qui est très important dans la musique, c'est qu'on fait de la musique parce qu'on a besoin de rapport au monde, c'est-à-dire un rapport d'expérience et que quand on fait de la musique, on utilise le son pour se donner une expérience au monde par une pulsion de vie. Je pense qu'il y a autant d'amateurs chez les professionnels que chez les bénévoles mais que ce qui connote justement c'est de savoir pourquoi on fait de la musique en tant qu'être humain.
 

  • Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre parcours ?
Je suis un musicien qui a été formé à la base dans une fanfare de cheminot et cette fanfare m'a permis d'accéder à un autre enseignement, c'est eux qui ont financé ça et je suis rentré au Conservatoire de Lyon quand j'avais 12 ans. Ensuite j'ai eu une formation au Conservatoire de Lyon, au CVR de Lyon puis au CVCM de Paris. Par la suite j'ai fait aussi des études universitaires jusqu'à un DEA et j'ai ensuite passé mon CA qui m'a permis de devenir professeur de culture musicale depuis 1988, j'enseigne à Montbéliard et depuis 1997 j'enseigne au CVCM de Paris.
  • Quel est votre rapport à la musique?
Mon rapport à la musique, c'est l'objet de ma vie. Ça relève du sacerdoce c'est-à-dire que c'est quelque chose qui m'occupe du matin au coucher, qui m'occupe chaque jour de ma vie et c'est quelque chose qui remplit ma vie. À partir de là ce n'est pas une question de professionnel ou d'amateur, c'est que réellement, la musique est l'objet de ma vie.
  • En quoi le thème de ces deux journées "La pratique musicale en amateur" est important pour vous ?
Il est important pour moi parce que je suis issu de ce milieu, c'est grâce à des amateurs que j'ai pu devenir le professionnel que je suis, que c'est aussi parce que je m'intéresse énormément à la question de la pratique musicale par les amateurs au fil des siècles, depuis la Renaissance jusqu'à aujourd'hui et que sans les amateurs, la musique n'existerait pas. Il nous faut au moins des amateurs qui pratiquent mais aussi des amateurs qui écoutent, et si on n'a pas les uns et les autres, je n'existerais pas, ma vie n'aurait pas d'objet.
  • C'est quoi pour vous un amateur ?
J'en reste depuis le début et ça me conforte sur ce qu'il s'est passé ces jours sur une seule idée qui en effet est l'idée du bénévolat. C'est-à-dire que l'amateur est celui qui abordera la musique dans un total désintéressement. Le professionnel est celui qui sera rémunéré pour son activité musicale et l'amateur est celui qui l'envisage dans le cadre d'un bénévolat. C'est pour moi la seule manière que l'on a de définir un amateur.
  • Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre parcours ?
Je suis musicienne, flûtiste donc instrumentiste mais ma carrière en quelque sorte c'est une carrière double à la fois d'enseignante de Conservatoire où j'ai enseigné la flûte et la culture musicale pendant 40 ans et c'est aussi une autre facette, je suis musicologue donc chercheur dans deux domaines : l'opéra français du 19e siècle sur lequel j'ai fait ma thèse et d'autre part les pratiques musicales en Occitanie qui est ma région.
  • Quel est votre rapport à la musique ?
Mon rapport à la musique est un peu un rapport de passion je dirais puisque je suis contente d'avoir pu travailler grâce à cette passion. Donc c'est vrai que c'est une activité aussi avec les jeunes pour l'enseignement, avec la recherche mais tout ce qui fédère ces facettes-là, c'est un métier passion. J'adore la musique donc j'ai adoré enseigné, faire des recherches, jouer de la flûte à l'orchestre, en trio aussi puisque j'ai un trio. C'est la passion depuis l'enfance.
  • En quoi le thème de ces deux journées "La pratique musicale en amateur" est important pour vous ?
C'est très important parce que les frontières sont très poreuses étant donné qu'il y a plein d'activités, je parle d'où je viens, en ayant enseigné par exemple au Conservatoire pendant 40 ans, j'ai eu des élèves qui étaient jeunes donc amateurs que j'ai accompagnés et certains à un moment donné en haut de leurs études, puisqu'on a une école structurée dans les Conservatoires donc dans leur dernier cycle, ils se sont orientés vers la voie professionnelle et j'ai essayé de les accompagner vers cette voie. Donc je dirai que ce partage entre les deux pour moi, il n'a pas vraiment une réalité, c'est un peu le jeu de l'emploi après qui fait qu'on peut devenir professionnel aussi parce que l'emploi de la musique ce n'est quand même pas un grand secteur hélas.
  •  C'est quoi pour vous un amateur ?
Au vu de ce que j'ai eu comme expérience dans ma vie et durant ce colloque, je vois de moins en moins de définition globale hormis la définition économique que l'amateur ne gagne pas sa vie en pratiquant la musique. Mais ce n'est pas pour autant que la passion chez un amateur ou chez un professionnel et l'engagement qu'on a dans la musique est pour autant la propriété de l'amateur ou la propriété du professionnel. Donc je ne vois que la définition économique.
 

  • Pouvez-vous présenter votre parcours ?
J'ai découvert la musique lorsque j'étais en faculté de médecine, j'étais assez jeune, j'avais 16 ans et j'ai des amis qui m'ont fait découvrir la musique à ce moment-là et ça a été énorme, un vrai choc. Je me suis mis à en faire énormément, complètement en autodidacte, j'ai joué dans des groupes. Je me suis mis à en faire tellement que c'est devenu mon activité principale et il y a un moment où la question s'est posée de continuer médecine ou pas et j'ai arrêté en deuxième année pour ne faire que de la musique. La petite anecdote c'est qu'il y a eu un moment où j'ai voulu prendre des cours et j'ai voulu m'inscrire dans un Conservatoire, au fur et à mesure que j'ai découvert les musiques j'avais envie de les faire. Donc à l'âge de 20 ans je pousse la porte d'un Conservatoire où on me dit que je suis trop âgé et que je ne pourrai jamais rien faire dans la musique. La personne me dit : "Non mais écoutez on ne veut pas de vous ici et vous ne ferez jamais rien dans la musique". Je pense qu'il y a eu pour moi quelque chose de déclencheur à ce moment là qui a créé une grande motivation qui fait que finalement je suis devenu directeur de Conservatoire et puis j'ai passé les concours internationaux et une première vie où j'ai été concertiste donc musicien professionnel tout en continuant à côté toutes sortes de musiques. De concertiste je suis devenu compositeur et en même temps en parallèle directeur de Conservatoire extrêmement impliqué dans la pédagogie à la fois au niveau local et au niveau national. Durant une vingtaine d'années j'ai été directeur d'établissement ensuite j'ai été responsable des enseignements artistiques pour la région Île-de-France pour faire travailler ensemble les différents établissements puis piloter au niveau national une réflexion sur l'éducation et les enseignements artistiques et accompagner maintenant. Donc à la fois faire des missions un peu de consultant, de la formation et accompagner les démarches de changement sur les territoires autour de ça, tout en ayant parallèlement une activité artistique de compositeur, de faire des créations avec les personnes qui habitent un territoire sur les enjeux de société. Donc essayer d'inventer aussi de nouvelles formes de création et de travail avec les personnes sur un territoire.
  • Quel est votre rapport à la musique?
C'est un rapport très passionnel mais en même temps je n'arrive pas à trouver le mot qui correspond. Disons que, pour moi il a eu une découverte très forte et du coup un désir et une envie de faire de la musique sous différentes formes et puis d'être en relation avec plein de choses du monde de la musique et en même temps quelque chose de l'invention c'est-à-dire que tout de suite j'ai eu envie d'en inventer, d'en faire et aussi, quand je donnais des cours, d'inventer des morceaux pour les élèves à la fin de chaque cours. Donc il y a un rapport qui me touche énormément et à la fois ça m'intéresse et ça me passionne et puis un rapport aussi au fait de faire de la musique où j'ai toujours envie de le faire dans une optique d'invention seul ou avec d'autres. Finalement mon encrage maintenant dans la musique c'est comment créer les convictions de partage avec la musique dans la création en collectif à partir de ce que chacun peut amener, si ce n'est pas dans une dimension de création collective, comment est-ce qu'on peut être vraiment dans une forme de relation de partage. Donc c'est vrai que pour moi la musique est aussi un vecteur qui permet de trouver les formes de partage sensibles qui mettent vraiment les gens en relation d'une façon assez merveilleuse.
  • En quoi le thème de ces deux journées "La pratique musicale en amateur" est important pour vous ?
Au-delà des usages professionnels et tout ce qui peut exister autour de la musique, pouvoir reconnaître la pratique musicale en amateur c'est pouvoir plus largement reconnaître la capacité des personnes, avoir une capacité d'expression et en même temps qui permet grâce à la musique et à ce qu'elle peut représenter d'ineffable, de symbolique, de pouvoir se relier, avoir des relations et en même temps développer des choses, acquérir une sorte de liberté intérieure de choses qui sont essentielles dans une société à la fois "comment la question d'émancipation, ou forme de liberté et de capacité d'expression et d'épanouissement personnel, peut entrer en relation avec une vie collective ?" et quelque chose qui amène aussi une dimension positive dans les sociétés. C'est difficile de bien nommer les choses sur cette question de la pratique musicale en amateur qui me semble un enjeu bien plus fondamental qu'il n'est abordé aujourd'hui dans les politiques publiques où c'est un peu secondaire par rapport à d'autres choses. J'ai l'impression que les enjeux sont bien plus fondamentaux que ça sur à la fois la reconnaissance et la capacité de développement des personnes et en même temps de qualité de développement d'une société.     
  •  C'est quoi pour vous un amateur ?
Je ne sais pas y répondre, je trouve la question comme ça trop complexe, je n'ai pas les capacités pour le faire donc après seulement quelques réflexions autour de ça tout dépend de quel point de vue on se place, est-ce qu'il s'agit de définir l'amateur dans l'absolu, est-ce qu'il s'agit de définir l'amateur du point de vue des politiques publiques et de ce qu'elles pourraient favoriser comme types de développement de capacité à être amateur ou à pouvoir développer une pratique amateur. J'ai l'impression qu'il y a quelque chose dans la dimension d'être amateur qui est plus que les fonctions basiques vitales c'est-à-dire qu'on a besoin de dormir, de manger, d'un certain nombre de choses, c'est l'idée de la pyramide de Maslow, au départ il y a les fonctions vitales et incontournables. J'ai l'impression que la question d'être amateur c'est tout de suite tout ce qu'il y a de très fort, d'indispensable, de symbolique mais qu'on a impérativement besoin pour que la vie ne soit pas qu'une question de survie. J'ai l'impression que dans le fait d'être amateur, ce qui peut s'appliquer à plein de domaine c'est déjà rentrer dans quelque chose qui vraiment fait l'humanité, relève de quelque chose de caractéristique de l'humanité, je ne dis pas que l'humanité en a le monopole, mais j'ai vraiment l'impression que c'est quelque chose qui peut nous aider à définir le concept d'humanité au-delà des fonctions vitales primaires.
 

  • Pouvez-vous présenter votre parcours ?
Je suis chroniqueur et défenseur du droit culturel. Je passe mon temps à argumenter pour défendre l'approche par les droits culturels. J'ai un parcours d'universitaire qui est devenu un professionnel de la culture car j'ai été DRAC. C'est en étant DRAC que j'ai compris qu'il fallait changer la manière de penser la politique culturelle et tout ce parcours. J'étais économiste, j'ai travaillé sur la science des familles et j'écris régulièrement quelques articles et des livres sur la politique culturelle et sur les spectacles.
  • Quel est votre rapport à la musique ?
La musique a un rapport important, parce c'est l'un des premiers terrains du militantisme. Je suis un ancien des Trans Musicales de Rennes. On a milité pour la reconnaissance des musiques qui s'appelaient alors les "musiques de jeunes", puis le rock et enfin les musiques actuelles.
  • En quoi le thème de ces deux journées "La pratique musicale en amateur" est important pour vous ?
Parce que le fait qu'un certain nombre de personnes pratiquent différentes formes de musique a du sens. Mais ce sens est maltraité et n'est pas reconnu du tout dans l'organisation des politiques et plus particulièrement des politiques culturelles. J'essaye de militer pour que l'on se pose la question de l'amateur différemment de la manière dont elle est posée aujourd'hui dans les cadres institutionnels, au niveau des lois, des ministères, des communes... Il y a malheureusement un grand écart, une incompréhension dans la valeur et la portée de ces pratiques amateurs.
  • Comment se sont déroulées ces deux journées ?
J'ai pu écouter des intervenants que je ne connaissais pas et qui m'ont apportée de nouvelles perspectives. Il y a une longue histoire de l'amateur. Mais vu du côté de la quête de l'oeuvre, de l'excellence, de ce qu'on appelle quelque fois les professionnels dans une certaine hiérarchie, l'axe reste quand même l'excellence artistique. Ce n'est pas l'amateur qui sera en tête de gondole et cette histoire-là reste très pesante.
  • C'est quoi pour vous un amateur ?
Tout d'abord nous n'avons pas besoin du terme "amateur". Lorqu'on dit amateur, on dit professionnel. On est pris intellectuellement dans un piège, les deux vont ensemble. Il faudrait se poser la question tout à fait différemment, au niveau de la pratique musicale par rapport à la capacité d'émancipation des personnes. Pas besoin des termes amateurs ou professionnels, c'est une idée de parcours émancipateur. C'est plus qu'un avis, c'est une certitude. Quand on vient des musiques actuelles on ne sait jamais quand est-ce qu'on passe de l'amateur au professionnel. On a des tas de copains qui sont amateurs. Ils font un concert, une chanson ou bien une vidéo et passent du jour au lendemain de l'amateur au professionnel. Puis ils reviennent à l'amateur ensuite parce qu'entre les deux il y a l'intermittence. Toute cette dynamique-là fait que la catégorie amateur/professionnel n'est pas si pertinente que ça. Elle n'est pertinente que si on part du point de vue que les pratiques des professionnels sont instituées dans un conservatoire avec des statuts et des diplômes, évidemment là ça renvoie les autres à des situations amateurs. En fin de compte c'est une question de point de vue et de regard.
 

  • Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre parcours ?
Je m'appelle Fabienne Ritz, je suis professeure de musique, je donne des cours de flûte à bec, d'éveil musical, j'interviens en milieu scolaire et j'organise des ateliers de découverte instrumentale et vocale dans divers organismes. Je suis née dans une famille de mélomanes qui m'ont permis très tôt de démarrer un instrument de musique. J'ai ensuite intégrée une classe à horaires aménagés au Collège Taison puis au Lycée Fabert pour avoir un Bac F11, j'ai poursuivi en Fac de Musicologie en parallèle j'ai passé un diplôme d'Etat de professeur de musique. J'ai fait beaucoup de stages INECC pour me perfectionner dans différents domaines.
  • Quel est votre rapport à la musique ?
Mon rapport à la musique quelque part c'est un don et c'est un honneur pour moi de pouvoir transmettre ma passion que ce soit du plus petit au plus grand c'est-à-dire en partant du tout petit enfant avec une séance dans une crèche ou bien avec une chorale dans une structure avec des adultes.
  • En quoi le thème de ces deux journée "La pratique musicale en amateur" est important pour vous ?
La pratique en amateur c'est le choeur de mon métier c'est-à-dire que toute ma vie je forme des amateurs ou des gens qui sont professionnels qui vivent lucrativement de leur métier. Ce que j'espère c'est transmettre le plaisir de la musique, le mot aimer pour un amateur me semble évident. C'est mon rôle de transmettre cette passion en tant que musicienne professionnelle, animatrice et amateur de musique.
  • C'est quoi pour vous un amateur ?
L'amateur c'est chacun d'entre nous, c'est celui qui aime pratiquer dans tous les cas la musique pour ce thème là mais ça pourrait être la danse, quelqu'un qui aime les tableaux, qui aime les belles voitures, le vin, c'est quelqu'un qui apprécie et qui ne vit pas, si j'ai bien compris, lucrativement de cet aspect.
  • Témoignage
Je me disais toujours "J'aimerais bien chanter, j'aimerais bien faire partie d'une chorale mais je ne sais pas chanter". Déjà là, on est son propre fardeau. Il s'est avéré qu'au cours d'une réunion autour de la lecture de l'Évangile de Saint-Marc, on parlait à bâton rompus et je ne sais pas pourquoi, il y avait sûrement un texte qui parlait de chant ou de louer Dieu, et une personne qui était là a dit "Moi je fais partie d'une chorale", je lui ai répondu que j'aimerais bien faire partie d'une chorale mais que je n'ose pas car je ne sais pas chanter du tout, je n'ai pas d'oreille, cette personne m'a répondu qu'ils avaient une cheffe de choeur qui est très bien et qu'il faut venir chanter avec eux.

Le fait d'avoir rencontré cette personne m'a donné le courage d'aller voir cette chorale où j'ai été très bien accueillie par la cheffe qui ne m'a pas demandé si je savais chanter ou à quel pupitre j'appartenais car moi en termes de pupitre je n'y connaissais rien du tout. Je me suis donc installée, j'ai été très bien accueillie et je n'osais même pas chanter au début, j'écoutais. Je me suis rendue compte que cette cheffe de choeur ne rabrouait jamais les gens en disant « Tu as commis une erreur » ou « Vous avez mal chanté » et elle disait « Si vous n'arrivez pas à chanter, c'est que je vous ai mal expliqué ou que je ne suis pas venue vers vous de la bonne façon ».

Je me suis rendue compte que j'avais des rendez-vous réguliers où j'allais rencontrer des personnes, où j'allais aussi parler à bâton rompus de choses et d'autres et que j'allais aussi découvrir ce qu'était la musique, ce qu'était chanter et que j'avais une voix finalement. Même si je chantais faux, qu'il y en avait qui chantaient mieux que moi, un moment donné j'arriverais peut-être à mieux chanter ou à avoir le courage de chanter. Puis je me suis rendue compte qu'il fallait créer une harmonie de groupe et que s'il y avait une voix qui dominait ce n'était pas une chorale. Il fallait qu'on écoute l'autre, qu'on soit à l'écoute et quand on chante on est à l'écoute de l'autre.

Il y a également des repas conviviaux où on se retrouve, on se retrouve aussi  pour les concerts donc il faut qu'on travaille ensemble en amont, qu'on mette le paquet pour essayer de donner le meilleur de nous-même pour les autres qui viennent nous écouter, pour qu'ils ne soient pas dessus et qu'on leur donne quelque chose et finalement eux quand ils sont contents ils nous rendent leur joie. C'est un échange. Quand il y a eu le Covid ça a posé un problème parce qu'on ne se voyait plus, il y avait le téléphone heureusement !

Finalement on a plus confiance en soi. Le fait de se retrouver à des horaires réguliers et de ne pas arriver en retard aussi aux répétitions, ça vous structure votre vie, ça structure les gens qui sont un peu dispersés. C'est surtout le chanter ensemble, c'est le "ensemble" qui est important. Ce qui fait très plaisir aussi c'est à la fin d'un concert lorsqu'il y a quelqu'un qui vient et qui nous dit « J'ai trouvé que c'était bien, que votre chorale était bien, est-ce que je pourrais venir ? », ça m'est déjà arrivé 2 ou 3 fois. Le chef de choeur est important aussi. Il y a le côté chant mais aussi le côté relationnel qui est très important parce qu'il y a un esprit de choeur et de coeur. Cela fait 10 ou 11 ans pour moi, il y a des personnes vieillissantes, des personnes qui sont décédées, chaque fois c'est un crève-coeur, il y a des nouvelles têtes qui arrivent et qui sont intégrées très vite.

Dans une chorale il y a tout de suite le tutoiement aussi, ça joue peut-être je ne sais pas. Dans une chorale aussi il ne faut jamais rester à côté de la même personne lors des répétitions parce qu'autrement on s'habitue et au moment des concerts on est complètement déstabilisés si on se retrouve à côté d'une nouvelle personne. La cheffe de choeur est très importante chez nous car elle donne beaucoup de sa personne et cela nous incite à donner aussi.
Le Républicain Lorrain - 16/12/2021



Captations et retranscriptions : Eulalie Mérel, bénévole, Caroline Wachs, alternante, et l'équipe de l'INECC Mission Voix Lorraine
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